« La chapelle située aux abords de la rivière Trois-Saumons, à l’extrémité ouest de Saint-Jean-Port-Joli, appartient à une famille plutôt qu’à la fabrique paroissiale et elle bénéficie du statut ecclésiastique d’oratoire public. ''L’oratoire public, écrit la Discipline diocésaine, est celui qui a été érigé pour des particuliers ou pour un certain groupe, mais avec droit légitimement établi pour tous les fidèles d’y assister aux offices''.
Attala Bourgault lance en 1910 une corvée de construction et ouvre en 1919 le lieu de culte dédié à la bonne sainte Anne. Cet oratoire contraste de façon saisissante par rapport à la chapelle de procession située à l’est de la municipalité, presque vide et délaissée depuis longtemps par la fabrique et les paroissiens. Le 26 juillet de chaque année, fête de sainte Anne, un groupe significatif de fidèles converge vers l’oratoire pour la célébration d’une messe, la seule de toute l’année.
Ils y retrouvent un décor composite : la grande statue de L’Éducation de la Vierge par sainte Anne dominant l’autel, une dizaine de statuettes de saints, dont une œuvre de Médard Bourgault, Saint Joseph présentant un couple de tourterelles pour la Présentation de Jésus au temple, une Notre-Dame du Rosaire provenant de l’atelier de Joseph et Jean-Marie Gagnon, fabricants locaux de statuettes de plâtre qui passeront ensuite au plastique, un ex-voto (béquilles) laissé par Thérèse Bourgault en reconnaissance de sa guérison obtenue en 1930 et divers documents, dont une lettre du cardinal Louis-Nazaire Bégin accordant cent jours d’indulgence à qui visitera l’oratoire et dira quelques prières à la bonne sainte Anne.
Depuis 1919, on y fête annuellement sainte Anne, mère de Marie et grand-mère de Jésus, dont le nom n’est même pas mentionné dans les évangiles canoniques. En 2001, à l’occasion de son 325e anniversaire, la municipalité publie un ouvrage intitulé Au pays des miens. Récits de vie et généalogies de Saint-Jean-Port-Joli. Monique Miville-Deschênes en rédige les textes, fruits d’un habile mélange du document ethnographique, de la rumeur, de l’humour et de la poésie.
Concluant son propos sur l’oratoire Sainte-Anne, [Monique Miville-Deschênes] raconte : ''Pour certains d’entre nous, venir à la petite chapelle le 26 juillet est une tradition, encore en l’an de grâce 2001... où pas moins de 150 personnes ont assisté à la cérémonie. Mais à l’office de l’an dernier, la corde de la cloche est restée dans les mains du sonneur. Déchiquetée par le vent, la pluie, les érésipèles de la grêle, la neige, le soleil et toute l’usure de son court va-et-vient de corde qui convie, par la cloche, le peuple à la même heure pieuse de l’été depuis des décennies.
Parce qu’il serait beau de connaître la note exacte tintée par cette joyeuse petite cloche, il y a un prix à payer : Colette [la gardienne du lieu] nous a confié la mission de monter au clocher et de remplacer la vieille corde éventée par une corde neuve [...] Et nouvellement, on peut l’entendre sonner pour signaler au public amateur d’art les œuvres des artistes qui exposent dans ce lieu tout beau de son bois et de son histoire.'' »
Simard, Jean. « L'oratoire Sainte-Anne », 1er avril 2013.