Le site du manoir seigneurial des Aubert de Gaspé

Histoire et architecture

« Le premier manoir des seigneurs de Gaspé fut érigé à Saint-Jean-Port-Joli vers 1730-1740 par le seigneur Pierre Aubert de Gaspé ou suite à son décès, par sa veuve Madeleine Angélique Legardeur de Tilly. La date de construction et l’emplacement exacts, de même que l’architecture de ce bâtiment, nous échappent encore. Nous savons cependant que les troupes anglaises y mirent le feu en 1759.

Un second manoir fut construit au lendemain de la Conquête vers 1762-1763. Les documents historiques, notamment plusieurs photographies anciennes, ainsi que les fouilles archéologiques menées entre 1988 et 1990 ont permis d’en bien documenter l’histoire et l’évolution. Philippe Aubert de Gaspé, dans Les [a]nciens Canadiens, décrit ainsi ce manoir : ''C’était une bâtisse à un seul étage, à comble raide, longue de cent pieds, flanquée de deux ailes de quinze pieds avançant sur la cour principale''. Cette description correspond au manoir tel que l’a connu l’auteur dans sa jeunesse et comme nous le présentent encore les photographies de la fin du XIXe siècle.

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Nous savons aujourd’hui, grâce aux fouilles archéologiques, que ce manoir fit l’objet d’agrandissements successifs. C’est ainsi que les seigneurs Aubert de Gaspé érigèrent tout d’abord, au lendemain de la Conquête, un bâtiment somme toute modeste de 13,32 mètres de longueur par 8,93 mètres de largeur ce qui correspond au corps principal du logis. La découverte d’un foyer dans le coin nord-est suggère que la cuisine devait s’y trouver. Le manoir d’alors n’avait pas de cave. On devait utiliser un cellier, bâti légèrement à l’ouest de l’habitation, à des fins de conservation des aliments.

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Découvert lors des fouilles archéologiques, ce cellier remonte possiblement au Régime français et serait donc contemporain au premier manoir seigneurial construit vers 1730-1740. Le cellier aurait été partiellement démoli lors de la conquête de 1759 puis reconstruit sous le Régime anglais avant d’être abandonné lors de l’ajout de l’aile ouest au manoir dans le dernier quart du XVIIIe siècle.

Le cellier est un petit bâtiment de pierres au plancher de bois pourvu d’un système de drainage rudimentaire. Enfoui dans le sol pour le protéger du gel ou de la chaleur, on y accédait par une trappe, laquelle donnait sur une antichambre avec escalier et porte d’entrée. On y conservait, à l’aide de la glace, des denrées périssables.

Entre 1780 et 1800, on agrandit le manoir avec l’ajout d’ailes orientées vers le sud et qui s’appuient sur la structure rectangulaire du manoir. Ces ailes ont une largeur de 6,70 mètres par une profondeur d’environ 11,55 mètres. Ces agrandissements confèrent alors à l’édifice son véritable caractère de « manoir » en le distinguant des simples maisons d’habitants. La porte centrale était flanquée de nombreuses fenêtres disposées avec symétrie, ce qui, avec les deux ailes, donnait à l’édifice l’allure classique d’une gentilhommière d’esprit français.

Le manoir seigneurial était construit de pièces sur pièces assemblées à queue d’aronde ou à coulisse selon la manière de construire au XVIIIe siècle. La charpente du toit, à comble raide, devait être de type croix de Saint-André, tel qu’il en existe encore quelques spécimens dans la région immédiate. Le bâtiment était recouvert de planches posées à la verticale et la toiture, percée de lucarnes, était recouverte de bardeaux de cèdre.

Photo inconnue, vers 1900, coll. Musée de la mémoire vivante. Crédits
Photo inconnue, vers 1904, coll. Musée McCord. Crédits

Le manoir seigneurial de Saint-Jean-Port-Joli brûla au printemps 1909. Peu de temps après, les propriétaires des lieux, les Leclerc, érigèrent leur nouvelle maison sur la partie centrale de l’ancien manoir. Cette maison fut démantelée au cours des années 1970.

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Fonctions et aménagement intérieur

Le manoir seigneurial remplissait plusieurs fonctions. Encore une fois, le recoupement des données archéologiques et historiques combiné avec les œuvres de Philippe Aubert de Gaspé, Les [a]nciens Canadiens et Mémoires, nous renseigne sur les activités et le plan d’occupation du manoir. Ainsi, on sait que le manoir était le haut lieu de l’administration de la seigneurie. C’était également un lieu d’hospitalité et de convivialité, on y recevait d’ailleurs bien des hôtes de passage. Évidemment, le manoir demeurait le cadre quotidien de la vie familiale.

Plan d'aménagement de Richard Fiset, vers 1990, coll. Musée de la mémoire vivante. Crédits

La porte d’entrée ouvrait à droite sur une salle qui faisait office de bureau où le seigneur recevait ses censitaires. À gauche se trouvait un grand salon, lieu de rassemblement chauffé par une cheminée de pierres. Cette pièce comportait, sans doute, des meubles dénotant une certaine aisance. Derrière le bureau se trouvait une cuisine qui servait à la fois des repas et de salle à manger. Un appentis qui faisait office de buanderie et, selon de Gaspé, de fournil, donnait au nord de cette cuisine.

Tout l’aile du côté est était consacrée aux activités reliées à la consommation des repas et à la préparation de certains mets. Une salle à manger, où l’on accueillait des invités, occupait toute la façade. Derrière cette salle, les seigneurs disposaient d’une boulangerie avec four à pain et foyer.

L’aile ouest du manoir aurait été, quant à elle, occupée par des chambres à coucher, dont celle du seigneur et de la seigneuresse. La présence d’outils dans ce secteur laisse croire à l’existence d’un atelier quelconque ou d’un entrepôt pour de l’outillage.

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La présence de nombreuses fenêtres et lucarnes au niveau des combles laissent supposer que cet espace était occupé. On devait fort probablement y trouver des chambres à coucher pour les enfants, certains domestiques ou les voyageurs. Enfin, une pièce devait être réservée pour servir de grenier, lieu de rangement et de débarras. [...]

Le manoir de Gaspé à Saint-Jean-Port-Joli a constitué pendant fort longtemps un véritable monument aux anciens Canadiens, à leurs mœurs et coutumes. Le Musée de la mémoire vivante, reconstruit selon l’allure que présentait l’édifice du temps de Philippe Aubert de Gaspé – sans en être une reproduction intégrale – particulièrement en ce qui concerne ses techniques de construction et son aménagement intérieur – prendra le relais du célèbre écrivain. Le Musée de la mémoire vivante veillera à recueillir les mémoires de notre temps dans un esprit de partage, d’échange et de dons de nos savoirs et savoir-faire. »

Depuis 2008, le Musée de la mémoire vivante se dresse ainsi sur l'ancien domaine des Aubert de Gaspé et contribue à la conservation ainsi qu'au partage des récits, savoirs et savoir-faire de tout un chacun, dans le but de les transmettre d'une génération à une autre.

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Photo inconnue, 2011, coll. Musée de la mémoire vivante. Crédits
Photo Olivier Désalliers, 2024, coll. Musée de la mémoire vivante. Crédits

Saint-Pierre, Serge. « Le manoir de Gaspé : architecture, histoire et archéologie », Le Javelier, vol. 24, no. 1, 2008, p. 12-14.

Évènement : Aucun Adresse : 710, avenue De Gaspé Ouest
Mise à jour : mercredi 10 juillet 2024